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delires ou pas
30 novembre 2018

Vide (décembre 1982) Je suis là, je vis,

Vide (décembre 1982)


Je suis là, je vis, j’existe, je respire. Mais c’est comme si cela n’était qu’une illusion. Ma place n’est nulle part ! J’observe le monde, la vie qui m’entoure mais je suis à l’écart. C’est ainsi, je ne suis de nulle part et je n’ai aucune place ! Aucun endroit où être moi, aucun être avec qui être moi !
Ma vie n’est qu’une comédie, ou un drame ! De ma naissance à aujourd’hui, je ne suis rien, pour personne ! Et le monde m’est étranger ! C’est étrange, cette impression : se sentir une étrangère chez soi, sentir que nous ne sommes pas la bienvenue ! Savoir que personne ne s’intéresse à ce que vous êtes réellement !
Il n’y a que le papier qui se sent un peu concerné ! C’est bien le papier : pas d’insultes en retour, pas de coups, pas de réflexions humiliantes ! Juste un silence bien agréable qui accueille mes pensées, qui reçoit mes plaintes, mes petits bonheurs, ma solitude !!
Je vis, mais je ne vis pas ! Je pense, je respire, je vois, j’interprète, je raisonne ! Mais tout le monde s’en fiche ! Pour les autres, je ne suis rien du tout, juste celle qui ne devrait pas exister, celle qu’on ne voulait pas !
Il n’y a que les feuilles blanches qui m’acceptent, qui acceptent mes mots, mes cris, ma douleur, mais aussi ma haine de ceux qui ne me veulent pas ! Il n’y a que ce fichu papier, qui ne répond pas, qui ne donne aucun conseil, qui ne pleure pas, qui ne s’enrage pas !
C’est frustrant mais là, sur ce papier, je suis moi !! Je ne fais pas semblant, je ne plie pas, et je suis libre d’être moi, de crier ma colère au monde !
Savez-vous ce que c’est de se sentir invisible, mort ?? De savoir que notre existence ne signifie strictement rien pour les autres ? De savoir que vous êtes et serez toujours seule quoique vous fassiez, que vous disiez ?
C’est terrible la solitude absolue : c’est un vide qui ne vous quitte pas car vous savez que le vide du cœur est insondable et ne peut être comblé ! Pas quand ce vide est né avec vous, pas quand ce vide noir et absolu est quotidien !
Je vois les gens autour de moi et je les envie : les autres à l’école qui ignorent à tel point ils sont chanceux ! Eux, ils rentrent chez eux où ils sont attendus tous les jours ! Ils vivent, ils font partie de ce monde ! Moi, je rentre dans cet endroit qui ne sera jamais chez moi, sans aucune envie, sans aucun bonheur car je sais que personne ne souhaiterait m’y voir !
Ma vie n’est que vide absolu, sans aucun intérêt, ni pour moi, ni pour le monde ! Mais pourtant je vis, je pense, et j’observe ce qui m’entoure ! Les gens, les objets, les événements ! Et je sais que ces choses ne signifient rien pour moi !
Si vous saviez comme c’est fatigant de faire semblant au dehors !! Semblant du bonheur, semblant que tout va bien, semblant que tout est pour le mieux !! Car rien n’est pour le mieux dans mon monde ! Et je le sais ! C’est ça le plus dur, savoir que ma famille n’est que comédie, qu’elle n’existe que pour les apparences !! Semblant d’aimer son frère et sa sœur, sa mère et ce père qui ne dit rien, qui obéit, qui cède et ferme souvent les yeux ! C’est ça mon quotidien, sauver les apparences, avoir l’air « normale », ne rien laisser transparaître de ce qui se passe !! Peut-on être à la fois morte et vivante ?? Car c’est ce que je ressens ! Un gros vide, une indifférence à ce qui m’entoure ! Car mon monde, lui, n’est que haine, violence, artifices, faux-semblants ! Et personne ne sait, sauf ma grand-mère, qui agit à sa façon, qui m’offre un abri à chaque vacance scolaire, un endroit où je suis moi ! Où je peux être ! Mais comment lui dire que sa fille est un monstre de haine, comment lui faire comprendre ? Cela la briserait, je le sais ! Alors je me tais et je continue à être à la fois morte et vivante ! Je ne ressens rien, je n’aime personne car pour moi les autres sont des ennemis ! C’est normal de penser ça à 12 ans ?? De savoir, déjà, que le monde » n’est que fumée, que rien n’est ce qu’il paraît, qu’il faut se méfier à chaque instant, repérer les dangers, les éviter, courber le dos ?
Mes « copines » n’imaginent même pas ce que je pense, ce que je vis chaque jour !! Elles sont tellement « heureuses », « aimées », si banales (elles ne comprendraient même pas ce que j’écris là !)… Et elles seraient incapables de comprendre, elles n’ont que 12 ans ! Et une vie tellement banale, tellement heureuse ! Parfois, je les déteste car elles ont ce que je n’aurais jamais ! Mais elles ne savent même pas la chance qu’elles ont ! Moi qui n’ai pas, je sais, car je vois, j’observe et je sais que ma vie n’est rien du tout ! Rien car beaucoup ne voulaient pas que je sois là ! Je suis le symbole de la bêtise, des erreurs ! Et à 12 ans, je sais que quand un grand est face à ses erreurs, il doit absolument l’ « effacer », ou au moins, la camoufler !! Mais mes mots, eux, ils restent là, ils sont écrits ! Les mots, mes seuls amis, avec le papier, et le stylo ! Eux, ils savent !! (décembre 1982)

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